6 février 1934, le péril d'extrême droite entraîne l'union de la gauche
Le 6 février 1934 est une date souvent prise en exemple à chaque manifestation dans lesquelles s’expriment les courants d’extrême-droite, identitaires ou ultra-conservateurs. Car le 6 février 1934, la France se relève à peine d’une succession scandales politico-financiers qui réveillent la mouvance antiparlementariste.
Et, en ce début d’année, c’est encore une affaire, l’affaire Stavisky qui va pousser la contestation à son paroxysme. Fin 1933, le Crédit municipal de Bayonne est impliqué dans un nouveau scandale qui va secouer la République. Le personnage central de cette affaire est Alexandre Stavisky, un escroc proche de parlementaires radicaux. C’est par la presse que le scandale arrive car elle révèle que Stavisky a, par le passé, bénéficié de 19 remises de son procès alors que le Parquet est dirigé par le beau-frère de Camille Chautemps, alors Président du Conseil.
L’affaire Stavisky
Alexandre Stavisky est retrouvé mort le 8 janvier 1934. La police conclut à un suicide mais l’incrédulité de l’opinion publique demeure. La droite accuse Chautemps de l’avoir fait assassiner pour se protéger et exige une commission d’enquête. Le Président du Conseil s’y oppose arguant qu’il convient de laisser « la justice faire son travail ». Ce manque d’implication de Chautemps participe d’alimenter les doutes et réveille la propagande de l’Action Française qui manifeste dès le 9 janvier. Son journal du jour proclame : « Aujourd’hui, jour de rentrée du Parlement, à l’heure de sortie de vos ateliers et de vos bureaux, nous vous engageons à venir en foule autour du Palais-Bourbon et aux cris de « À bas les voleurs ! À bas les assassins ! » exiger la justice et l’honneur. » Le soir, ce sont plus de 2000 membres et sympathisants du groupe d’extrême-droite qui manifestent. Deux jours plus tard, le 11 janvier, après l’arrestation du rédacteur de Liberté et du directeur de Volonté, une autre manifestation a lieu à laquelle participent près de 5000 personnes dont l’Action Française et les Jeunesses Patriotes.
Pendant tout le mois de janvier, les manifestations se succèdent : Action Française toujours, Jeunesses Patriotes, Camelots du Roi…etc. Malgré cela, Camille Chautemps obtient la confiance des parlementaires, majoritairement à gauche. D’autres groupes manifestent à leur tour, comme la Ligue des Contribuables. Le 27 janvier, le Garde des Sceaux, Eugène Raynaldy, est également inquiété par la justice dans ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Stavisky ». Il démissionne et entraîne Camille Chautemps dans sa chute le lendemain. La démission du Cabinet Chautemps met temporairement un terme aux agitations de rue mais pendant ces trois semaines de manifestations, on comptera près de 2000 arrestations et plusieurs centaines de blessés chez les forces de l’ordre. Edouard Daladier est appelé par Albert Lebrun pour succéder à Camille Chautemps. La formation du nouveau cabinet est actée le 30 janvier. Mais les tensions politiques ne sont pas pour autant apaisées puisque la droite dans son ensemble tente d’exploiter l’affaire Staivisky pour reprendre la majorité au Parlement.
L’extrême-droite quant à elle récupère l’affaire pour faire entendre ses arguments antisémites et xenophobes.
Alexandre Stavisky étant un Juif d’origine ukrainienne, naturalisé français. A ces arguments racistes et antiparlementaristes s’ajoutent des attaques contre la franc-maçonnerie puisque plusieurs membres du nouveau Cabinet Daladier en font partie. L’appel à manifester des ligues d’extrême-droite Dans les premiers jours du mois de février 1934, Edouard Daladier multiplie les mesures d’éloignement, de mutation et de révocation de tous les hommes concernés, de près ou de loin, par l’affaire Stavisky. Immédiatement, la droite dénonce des marchandages et copinages dans les sanctions appliquées par le Gouvernement et de nouveaux appels à manifester se font entendre.
Rendez-vous est pris pour le 6 février, date de présentation du nouveau gouvernement à la Chambre, Place de la Concorde. La plupart des ligues ou des associations, qu’elles soient conservatrices, d’extrême-droite et / ou se revendiquant sans étiquette politique, répondent présentes : les Jeunesses Patriotes, les Phalanges Universitaires, le Front Universitaire, Solidarité Française…etc. Le 6 février, plusieurs manifestations ont lieu un peu partout et les ligues d’extrême-droite s’accaparent l’espace public.
Parmi les associations présentes dans les cortèges, on trouve entre autres : • L’Action Française • Les Camelots du Roi • Les Jeunesses Patriotes • Solidarité française • Les Croix de Feu • La Fédération des contribuables • Plusieurs associations d’anciens combattants Finalement, en dépit d’une mobilisation importante, les cortèges ne convergeront jamais et l’objectif de la Place de la Concorde ne sera pas atteint. C’est après l’ordre de dispersion que la manifestation tourne à l’émeute et que l’on assiste à de véritables combats de rue. Coups de feu, incendies, jets de pierres… Certains manifestants tentent de « marcher sur le Palais Bourbon » et les affrontements se prolongent jusque tard dans la nuit.
Du péril d’extrême-droite à l’union de la gauche Pour la première fois dans l’Histoire de France, un gouvernement dans sa totalité démissionne sous la pression de la rue, et ce, quelques heures seulement après les évènements. Les émeutes du 6 février 1934 sont rapidement perçues comme un péril fasciste par l’ensemble des forces de gauche qui s’orientent peu à peu vers une « union de la gauche ». Elle se concrétisera en 1936 par le Front Populaire, composé de radicaux et de socialistes, et soutenu par les communistes.
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